Valeurs de référence

Présentation

Pour évaluer les risques d’une substance pour la santé, des valeurs toxicologiques de référence, souvent abrégées en VTR, sont utilisées. Ce terme générique « VTR » regroupe l’ensemble des valeurs proposées pour « qualifier ou quantifier un risque pour la santé humaine » pour une substance donnée (Afsset, 2010).

  • Valeurs toxicologiques de référence ou VTR

    Définition

    Pour évaluer les risques d’une substance pour la santé, des valeurs toxicologiques de référence, souvent abrégées en VTR, sont utilisées. Ce terme générique « VTR » regroupe l’ensemble des valeurs proposées pour « qualifier ou quantifier un risque pour la santé humaine » pour une substance donnée (Afsset, 2010).
    Ces valeurs sont spécifiques :
    – d’une substance
    – d’une durée d’exposition aigüe (de quelques heures à quelques jours) ; subchronique (de quelques jours à quelques mois) ou chronique (d’une année à la vie entière)
    – d’une voie d’exposition (respiratoire, orale, cutanée)
    – d’un type d’effet (génotoxique  ou non)

    Conventionnellement, deux types de VTR sont proposés. Elles dépendent du mécanisme d’action associé à la substance concernée :

    • les VTR « à seuil de dose » : utilisées généralement pour les substances à effets non cancérogènes et cancérogènes non génotoxique. Ces substances provoquent des dommages au-delà d’une certaine dose et la gravité de leurs effets est proportionnelle à la dose d’exposition. Pour ces substances, la VTR représente la quantité de substance à laquelle un individu peut être exposé sans constat d’effet sanitaire néfaste. Elle peut s’exprimer par exemple en Dose Journalière Admissible (DJA) ou Dose Journalière Tolérable (DJT).
    • les VTR « sans seuil de dose » : utilisées généralement pour les substances à effets cancérogènes génotoxiques. Pour ces substances, on considère qu’il existe une probabilité, même infime, qu’une seule molécule pénétrant dans l’organisme provoque des effets néfastes (à l’origine du cancer). La VTR correspond alors à une augmentation de la probabilité, par rapport à un sujet non exposé, qu’un individu exposé développe une pathologie lorsqu’il est exposé pendant sa vie entière à une unité de dose de la substance. La VTR s’exprime alors en excès de risque unitaire (ERU).

    L’unité de mesure des VTR est la même pour une substance donnée entre les différents organismes qui les construisent, mais des dénominations/acronymes différents sont parfois utilisés: DJA (Dose Journalière Admissible), DJT (Dose Journalière Tolérable), RfD (Reference Dose), RfC (Reference Concentration), etc. En revanche, l’unité de mesure des VTR change en fonction de la voie d’exposition étudiée.

    Méthode d’élaboration

    Les VTR sont élaborées par des organismes nationaux ou internationaux tels que : Anses (France), US EPA (Environmental Protection Agency), ATSDR (Agency for Toxic Substances and Disease Registry), Health Canada (Santé Canada), OMS (Organisation Mondiale de la Santé), RIVM (Pays-Bas), JECFA et JMPR (Joint Expert Comittee on Food Additive et Joint Meeting on Pesticide Residues). En France, les VTR sont élaborées par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail).
    Elles sont construites en quatre principales étapes sur la base des données scientifiques disponibles sur la substance étudiée :

    Détermination de l’effet critique : il s’agit d’identifier l’effet qui apparaît à la plus faible dose d’exposition à la substance étudiée, pour une foie et une durée d’exposition données.

    1. Choix d’une ou plusieurs étude(s) clé(s) de bonne qualité. Les sources utilisées sont des études toxicologiques sur l’animal et des études épidémiologiques sur l’homme. Cependant, les données épidémiologiques sont rares et difficiles à interpréter ; les études animales chez des espèces ayant un profil biologique cohérent avec celui de l’homme sont donc souvent privilégiées pour établir les VTR. La qualité des études utilisées est un critère important dans l’élaboration des VTR.
    2. Détermination de la dose critique c’est-à-dire de la dose qui conduit au premier effet néfaste.
      Elle est déterminée à partir de la relation dose réponse et/ou dose effet publiée(s) dans le(s) étude(s) clé(s) sélectionnée(s) précédemment.
      Cette dose critique est souvent un LOAEL (Low Observed Adverse Effet Level, ou plus faible dose produisant un effet néfaste), un NOAEL (No Observed Adverse Effect Level, ou dose la plus élevée ne produisant pas d’effet néfaste), ou une benchmark dose (dose correspondant à un niveau de réponse ou d’effet fixé a priori ; elle est construite à partir de l’ensemble des données expérimentales disponibles).
    3. Extrapolation de la dose critique d’une situation expérimentale à une situation humaine d’exposition , c’est-à-dire se placer dans la situation où il n’est plus possible, en raison de contraintes méthodologiques, d’observer des effets sanitaires dans la population d’étude.
      L’objectif est alors de prendre en compte les incertitudes et la variabilité disponibles dans les connaissances scientifiques : soit en appliquant des facteurs d’incertitude à la dose critique (pour les effets à seuil de dose), soit en appliquant un modèle mathématique (pour les effets sans seuil de dose).

    Les VTR en France et dans le monde

    Depuis février 2005, l’Anses a mis en place un programme national sur les VTR : cela s’est traduit en septembre 2008 par la création d’un groupe de travail pérenne rattaché au comité d’experts spécialisés (CES) « Evaluation des risques liés aux substances chimiques ». Ses objectifs sont de poursuivre les travaux sur les VTR et de mettre en place une expertise sur les futures VTR nationales, par le développement des connaissances méthodologiques relatives aux VTR et la construction de VTR pour les substances d’intérêt.
    Ce groupe de travail a produit en 2010 plusieurs rapports sur l’élaboration des VTR, dont un sur l’élaboration des VTR cancérogènes (Anses, 2010 ; voir lien dans la partie « Pour aller plus loin »).

    Au niveau international, de nombreux organismes construisent des VTR, à l’aide de groupes d’experts spécifiques. On peut les retrouver pour une multitude de substances sur plusieurs sites Internet comme le site français www.furetox.fr, ou le site américain ITER (International Toxicity Estimates for Risk Assessment).

  • Valeurs Limite d’Exposition Professionnelle (VLEP)

    Définition

    Les Valeurs Limites d’Exposition Professionnelles (VLEP) sont des valeurs destinées à protéger les travailleurs exposés à des substances chimiques, d’éventuelles pathologies d’origine professionnelle. Elles sont construites pour permettre la surveillance des atmosphères de travail dans un but de prévention. Elles diffèrent des VTR en cela qu’elles ne protègent pas forcément d’effets considérés comme non graves ou réversibles (exemple d’une irritation), du fait de la possibilité de mettre en œuvre des moyens de protection collectifs ou individuels. De plus, elles ne sont construites que pour la voie respiratoire et que pour des effets à seuil de dose (voir section « définition »).
    Néanmoins leur principe de construction est le même que pour les VTR : analyse de la littérature, choix d’une étude, d’une dose critique et application de facteurs d’incertitude. Ces derniers, appliqués lors de l’extrapolation aux faibles doses, sont par contre différents car les populations concernées sont considérées comme plus spécifiques que la population générale (pas d’enfants ni de personnes âgées).

    Les VLEP sont construites par l’Anses, puis proposées à la Direction Générale du Travail. Une concertation a ensuite lieu entre les différentes parties prenantes (ministères, syndicats, entreprises, etc) ; elle a pour but de prendre en compte la faisabilité et le coût économique de la VLEP proposée. Suite à cette concertation, c’est au ministère du travail que revient la décision d’appliquer ou non la VLEP.

    Ces valeurs limites de concentrations dans l’air sont associées à un temps d’exposition déterminé. Deux types de valeurs sont recommandés pour une substance considérée :

    • une Valeur Limite d’Exposition professionnelle (VLEP) : elle vise à protéger à moyen et long terme la santé des travailleurs exposés régulièrement à un agent chimique, pendant la durée d’une vie de travail et, en général, au cours d’une journée de travail de 8 heures.
    • une Valeur Limite d’exposition à Court Terme (VLCT) : elle vise à protéger des effets dus à des pics d’exposition, c’est-à-dire sur une durée de 15 minutes. Elle prévient les effets toxiques immédiats ou à court terme (ex : irritation).

    La VLEP peut être dépassée sur de courtes périodes, à condition de ne pas dépasser la VLCT.
    Les deux types de valeurs sont exprimés selon des unités de mesure variables selon qu’il s’agit de gaz, de vapeurs, d’aérosol liquide ou solide ou de matériaux fibreux. Ces concentrations sont exprimées : en mg/m3 et en ppm pour les gaz et les vapeurs ; en mg/m3 uniquement pour les aérosols liquides et solides ; en f/cm3 (fibres par centimètres cube) pour les matériaux fibreux.

    Réglementation

    Certaines valeurs sont réglementairement contraignantes et fixées par décret (ex : amiante, benzène, plomb) ; pour quelques 400 produits chimiques, elles sont indicatives et fixées par arrêté. Plusieurs centaines de valeurs indicatives publiées entre 1982 et 1996 dans des circulaires ministérielles seront progressivement remplacées par des valeurs limites indicatives ou contraignantes (directive européenne 2006/15/CE).

    Chaque entreprise doit maîtriser les expositions des salariés à des substances chimiques, en vérifiant que les VLEP ne sont pas dépassées. Ce contrôle est règlementé : pour les agents chimiques classés CMR* et soumis à une valeur limite contraignante, l’employeur doit faire appel, au moins une fois par an, à un organisme agréé. Un tel contrôle peut entraîner un arrêt temporaire de l’activité (décret n° 2007-1404 du 28 septembre 2007). Le système des agréments est cependant en cours de réforme et, pour le moment, aucun organisme n’a été agréé pour le contrôle de nombreuses VLEP contraignantes.
    Des recommandations sont émises à propos des méthodes de mesure des niveaux d’exposition sur le lieu de travail. Ces méthodes (évaluées norme AFNOR EN 482) sont classées en deux catégories :

    • catégorie 1 : méthodes entièrement validées. Ce sont celles préférées pour les contrôles d’exposition se référant à des VLEP contraignantes.
    • catégorie 2 : méthodes indicatives. Ce sont celles recommandées pour les contrôles en référence à des VLEP indicatives, si celles de catégorie 1 sont absentes.

    Evolutions récentes

    L’Anses (anciennement Afsset) propose des substances chimiques à expertiser de façon prioritaire au ministère chargé du travail qui élabore le programme des travaux d’expertise relatives aux VLEP. En 2008, des propositions de VLEP ont été faites pour 4 substances : le formaldéhyde, le toluène, le 2-butoxyéthanol et l’acétate de 2-butoxyéthyle, et plusieurs autres ont été publiées depuis (dichlorométhane, fibres céramiques réfractaires, fibres d’amiante, styrène, etc).
    Le tableau ci-dessous en présente quelques unes :

    Quelques substances et leurs valeurs limites d’expositions professionnelles
    Substances VLEP – 8 heures VLCT – 15 minutes
    Benzène
    3,25 mg/m3
    Chlorure de vinyle 2,59 mg/m3
    Fibres d’amiante 100 fibres/litre* Inférieure ou égale à 5 x VLEP
    Formaldéhyde 0,25 mg/m3 0,5 mg/m3


    Source : site internet de l’Anses
    * En novembre 2011, le gouvernement recommande, comme l’avait fait l’Afsset en 2009, l’abaissement de la VLEP à l’amiante de 100 fibres par litre à 10 fibres par litre.

  • Valeurs guides

    Définition

    Les valeurs guides sont établies pour les polluants de l’air (intérieur et extérieur) et de l’eau. Elles sont définies par des « concentrations dans l’air ou dans l’eau d’une substance chimique en dessous desquelles aucun effet sanitaire ou aucune nuisance ayant un retentissement sur la santé n’est attendu pour la population générale » (Anses, 2011). Elles fournissent une base pour protéger la population des effets sur la santé des expositions à la pollution de l’air ou de l’eau.

    Elaboration

    Au niveau international, l’OMS est la référence concernant la proposition de valeurs guides : elle a produit des valeurs guides pour différents polluants de l’air intérieur (benzène, naphtalène, monoxyde de carbone, radon, HAP, etc.), de l’air extérieur (PM10, PM2,5, ozone, etc), et de l’eau de consommation.

    En France, en 2004, l’Afsset s’est auto-saisie afin d’élaborer des valeurs guides de l’air intérieur (VGAI) en lien avec l’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur (OQAI). Au sein de l’Anses, cette activité est pilotée par le comité d’experts spécialisés « Evaluation des risques liés au milieu aérien » et fait l’objet d’un groupe de travail dédié. En 2007, cette agence a publié une méthode générale d’élaboration des VGAI et une liste de 12 substances prioritaires. Les VGAI pour 7 substances ont été publiées depuis (formaldéhyde, monoxyde de carbone, benzène, naphtalène, trichloroéthylène, particules, et tétrachloroéthylène).

  • Evolutions récentes

    En juin 2011, l’Anses a publié une mise à jour de la méthode d’élaboration des VGAI : si elle le juge nécessaire, l’agence pourra désormais construire elle-même une VGAI, et ce même si l’OMS en propose déjà une mais que l’Anses ne la juge pas pertinente, suite à l’analyse critique qu’elle en aura faite. Les VGAI seront également nouvellement accompagnées d’une analyse des méthodes de mesure disponibles, d’éléments d’orientation pour la stratégie d’échantillonnage, et d’une mise en perspective des valeurs établies, de l’identification des situations à risque, et d’une proposition d’éléments pouvant permettre la quantification du gain sanitaire lié au respect de la VGAI.
    Pour la période 2011-2012, l’agence prévoit des expertises sur les substances suivantes : acroléine, 1,4-dichlorobenzène, acétaldéhyde, chloroforme, fluorène, éthylbenzène, dioxyde d’azote.

    Limites des valeurs de référence

    Des limites relatives aux valeurs de référence sont à noter. Leur principe même soulève la question du risque acceptable ou pas d’un polluant pour la santé. Leur respect implique en principe une absence de risque même si un certain nombre d’incertitudes dans leur construction demeurent.
    Plusieurs difficultés sont ainsi à noter concernant la fiabilité de ces valeurs. Celles de la transposition à l’homme d’effets observés sur l’animal ne sont ainsi pas résolues ; la sensibilité plus forte de certaines personnes à des effets particuliers peut ne pas être correctement prise en compte (enfants, femmes enceintes, etc).
    Les valeurs de référence ne sont valables que pour des agents chimiques seuls, alors que les contaminations rencontrées dans les différents milieux de l’environnement (général ou professionnel) sont constituées de mélanges complexes.
    S’agissant des améliorations à apporter au dispositif des VLEP, on souligne encore qu’elles ne prennent en compte que l’exposition par voie respiratoire, alors que les voies cutanée et digestive peuvent avoir un rôle. A cet égard, l’Anses, qui attribue une « mention peau » pour certaines substances, préconise de compléter le dispositif règlementaire français actuel par des valeurs de référence biologique. De même, pour ces valeurs, la pénibilité de certains travaux (efforts physiques, ambiances chaudes…) est susceptible de modifier l’impact des polluants, et n’est pas prise en compte dans l’élaboration des VLEP.

Auteur : Département Prévention Cancer Environnement, Centre Léon Bérard

Sources rédactionnelles : Anses ; INRS

Relecture : Nathalie Bonvallot (EHESP), Christophe Rousselle (Anses)

Mise à jour le 16 août. 2022

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