Suie et carbone suie

Le saviez-vous ?

Le CIRC a classé la suie comme agent cancérogène certain (Groupe 1) chez les professionnels du ramonage. La suie serait responsable de l’apparition du cancer de la peau (scrotum en particulier) et des poumons.

Les cancers de la peau, du poumon et de la vessie peuvent être considérés comme des maladies professionnelles suite à une exposition prolongée aux suies.

Les particules de suies formées lors des combustions, sont composées de 50 à 70% de carbone suie et d’une enveloppe de carbone organique composée d’un mélange complexe.

Les principales sources d’émissions atmosphériques de la suie sont essentiellement anthropiques : gaz d’échappement, rejets de chauffage au bois et issus de l’agriculture principalement.

La voie respiratoire est la principale voie d’exposition à la suie.

Aucune valeur toxicologique de référence n’a été attribuée spécifiquement aux particules de suie. Les valeurs guides actuelles reposent sur la masse des particules qui ne tiennent pas compte de leur composition, ni de leur potentiel toxique.

Le carbone suie peut être un indicateur de la pollution particulaire intéressant à mettre en place pour évaluer les émissions du trafic routier.

Présentation

La suie, de couleur noire, est un sous-produit de combustions incomplètes provenant de combustibles d’origine fossile et biomassique (NTP, 2021). La suie n’est pas présente à l’état naturel.

Elle appartient aux particules fines PM 2,5 (diamètre inférieur à 2,5 µm), mais se retrouve principalement dans la catégorie des PM 1,0 (diamètre inférieur à 1 µm) (DETEC, 2015).  Les particules de suies sont composées de 50 à 70% de carbone suie. Egalement présent dans la littérature scientifique sous le nom de Black Carbon (BC), ou de Elementary Carbon (EC), ces deux appellations se distinguent uniquement par la méthode de mesure. Le BC est mesuré par une méthode optique alors que l’EC par méthode thermique (AirPArif, 2014).

On retiendra dans cette fiche le terme de carbone suie.

Le carbone suie est la composante carbonée élémentaire de nature particulaire. Il compose 5 à 15 % des PM 2,5 (WHO, 2015). Le carbone suie est entouré d’une enveloppe de carbone organique composée d’un mélange complexe d’hydrocarbures imbrulés, de divers composées organiques plus ou moins volatils dont des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP), des acides, des PolychloroBiphényles (PCB), des alcools, des cétones, de soufre et de métaux. Il peut être considéré comme un transporteur d’agents chimiques et comme indicateur particulaire des sources de combustion (WHO, 2012).

Le carbone suie et le carbone organique forment les particules de suie.

L’utilisation de la suie est limitée. Elle était utilisée en horticulture en tant que fertilisant, répulsif anti-limace et conditionneur de sol. En effet, la suie fournit aux plantes de l’azote et des ions métalliques essentiels à la plante et prévient la venue des limaces. De par sa couleur noire, la suie peut également être utilisée comme conditionneur de sol en piégeant la lumière et en améliorant l’absorption thermique (IARC, 1985).

Compte tenu de la grande variabilité de la composante organique, l’essentiel de cette fiche portera sur le carbone suie.

  • La suie dans l’environnement

    Caractéristiques physico-chimiques

    La composition chimique et les propriétés de la suie sont très variables en fonction :

    • de la concentration en carbone,
    • des conditions de combustion et du combustible,
    • du type, de la taille et de la forme des particules,
    • des autres types de composés organiques et inorganiques adsorbés sur les particules de suie.

    Du fait de sa couleur noire, la suie absorbe les rayonnements lumineux. Présents sous forme d’aérosol, la durée des suies est de quelques jours à quelques semaines (CITEPA).

    Comportement atmosphérique

    Ces particules peuvent être transportées en altitude sur de très longues distances. Une fois déposées, les particules peuvent être remises en suspension sous l’action du vent. En zone urbaine, la remise en suspension s’effectue également sous l’action du trafic routier. Il est estimé que ce phénomène contribue à hauteur de 20 à 50% aux émissions de particules spécifiquement liées au trafic routier (AirParif, 2008).

    Sources naturelles et liées à l’activité humaine

    Les suies sont rejetées dans l’air extérieur et intérieur. Les principales sources d’émission des suies sont essentiellement anthropiques (EEA, 2013 ; CITEPA) :

    • les moteurs à combustion (56 % des émissions particulaires en carbone suie)

    Ce sont notamment les moteurs diesel qui produisent le plus de carbone suie (Anses, 2012). Cependant, les concentrations atmosphériques de carbone suie dépendent de l’année de construction du véhicule et de la présence d’un filtre à particules. En effet les moteurs diesel les plus récents produiraient autant de particules que les véhicules essence. Cependant, selon l’OMS, les nouvelles technologies de réduction des émissions de particules mises en place sur les véhicules diesel de norme Euro 6 (véhicules mis sur le marché européen à partir du 1er septembre 2015) devraient indirectement conduire à une augmentation des émissions d’ammoniac qui, suite aux réactions chimiques se produisant dans l’atmosphère, peut entraîner une formation de particules (Ministère des affaires sociales et de la santé, 2015 ; WHO, 2013).

    Une fiche synthétique est dédiée aux particules diesel.

    • la combustion résidentielle de bois et de charbon (26% des émissions particulaires de carbone suie)
    • la combustion de déchets agricoles et les incendies de forêt et de végétation (16% des émissions particulaires de carbone suie)
    • les activités utilisant du fioul ou du charbon telles que les centrales électriques à charbon (1% des émissions particulaires de carbone suie)
  • Exposition de l’homme aux suies

    La population générale et professionnelle sont essentiellement exposées à la suie par voie respiratoire mais également, dans une moindre mesure par ingestion et par contact cutané.

    Population générale 

    Du fait de la multitude de types de sources anthropiques, l’air extérieur et l’air intérieur contiennent des particules de suies (NTP, 2021).

    Plus de 80% des habitants des zones urbaines où la pollution atmosphérique est surveillée sont exposés à des niveaux de qualité de l’air ne respectant pas les recommandations fixées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS, 2016, voir aussi la fiche d’information Particules de l’air).

    Dans le monde, on estime qu’environ 3 milliards de personnes cuisent leurs aliments et chauffent leur logement au moyen de combustibles solides dans des foyers ouverts ou des poêles inadaptés. Dans les habitations insuffisamment ventilées, la teneur en particules fines et de particules de carbone suie dans la fumée domestique peut atteindre une concentration 100 fois supérieure aux recommandations de niveaux acceptables (OMS, 2016).

    Les populations vulnérables et sensibles à la pollution de l’air sont ainsi définies par l’arrêté du 20 août 2014 (DGS, 2016) :

    • vulnérable : femmes enceintes, nourrissons et jeunes enfants, personnes de plus de 65 ans, personnes souffrant de pathologies cardio-vasculaires, insuffisants cardiaques ou respiratoires, personnes asthmatiques.
    • Sensible : personnes se reconnaissant comme sensibles lors des pics de pollution et/ou dont les symptômes apparaissent ou sont amplifiés lors des pics (par exemple : personnes diabétiques, personnes immunodéprimées, personnes souffrant d’affections neurologiques ou à risque cardiaque, respiratoire, infectieux).

    Travailleurs

    Les personnes travaillant dans des activités où des matières organiques sont brûlées sont susceptibles d’être exposées à la suie par inhalation (ramoneurs, pompiers, ouvriers en métallurgie, horticulteurs, etc.) (IARC, 2012). Les ramoneurs sont ceux qui sont le plus exposés professionnellement à la suie (NTP, 2021).

    Peu d’études ont abordé les expositions des professionnels de la route (postiers, livreurs, chauffeurs…). Néanmoins, une étude a montré que les chauffeurs de taxis franciliens étaient exposés, en moyenne, dans l’habitacle de leurs voitures, à des concentrations en particules contenues dans les fumées noires, significativement plus élevées que celles mesurées dans l’air ambiant parisien, sur une période de huit heures (Zagury, 2000). Le projet de recherche nommé PUF-TAXIS étudie actuellement l’exposition aux particules ultrafines et au carbone suie des chauffeurs de taxis parisiens et leurs impacts sur la santé respiratoire (Anses, 2016).

  • Toxicité de la suie sur l’homme

    La toxicité des particules de suies provient de ses caractéristiques physico-chimiques. Les particules de suies pénètrent profondément dans l’appareil respiratoire, et sont difficilement éliminées des alvéoles pulmonaires. Quant à la composante organique des suies, elle s’avère particulièrement toxique pour la santé par la présence d’Hydrocarbures Aromatique Polycycliques (HAP), de benzène ou de formaldéhyde, de fer et de cuivre, dont le potentiel cancérogène a déjà été étudié par le CIRC (AirParif, 2014).

    Effets cancérogènes

    Population générale

    De manière globale, les matières particulaires atmosphériques sont classées cancérogènes pour l’homme (Groupe 1) par le CIRC (IARC, 2013).

    En 2012, le CIRC a classé les gaz d’échappement des moteurs diesel (véhicules, bateaux, trains, engins de chantier,…) comme cancérogènes pour l’homme (Groupe 1), en raison d’un niveau de preuves suffisant montrant une association entre l’exposition à ces rejets et un risque accru de cancer du poumon. Des données plus limitées mettent en évidence une association positive entre l’exposition à ces rejets et le cancer de la vessie (IARC, 2012).

    Selon le CIRC, en l’état actuel des connaissances, il est évalué que les gaz d’échappement des moteurs à essence sont « peut-être cancérogènes » pour l’homme (Groupe 2B) (IARC, 2012).

    Travailleurs

    De nombreuses études épidémiologiques ont montré qu’une exposition professionnelle durant le travail des ramoneurs aux particules de suie est associée au cancer du poumon.

    Une relation dose-réponse n’a pas été observée pour le cancer de la vessie dans l’une des études et l’augmentation du nombre de cancer de la vessie doit être considérée comme limitée. Certaines études ont montré une association positive entre une exposition professionnelle durant le travail des ramoneurs aux particules de suie et le cancer de la vessie.

    L’incidence du cancer de l’œsophage est grandement corrélée à la consommation de tabac et d’alcool, et dans l’absence de contrôles de ces deux facteurs, l’association entre l’exposition des ramoneurs et la suie n’a pas pu être établie (IARC, 2012).

    De ce fait, le CIRC a classé la suie agent cancérogène de groupe 1 pour les professionnels du ramonage. La suie serait responsable de l’apparition du cancer de la peau (scrotum en particulier) et des poumons (IARC, 2012).

    Suite à une exposition prolongée aux suies de combustion, les cancers cités ci-dessus peuvent être reconnues comme des maladies professionnelles (Régime général : Tableau 16bis/Tableau 36bis ; Régime agricole : Tableau 25bis/Tableau 35bis).

    Autres effets toxiques (pour une exposition chronique uniquement)

    De par ses faibles dimensions, les effets sanitaires des particules de suie seraient similaires aux particules PM 2,5. L’exposition chronique aux particules de suies conduit à une inflammation du tractus nasopharyngé, des pathologies respiratoires et cardiovasculaires (CITEPA).  Des études de cohorte ont montré une association positive entre la mortalité par maladies cardio-respiratoires et une exposition chronique au carbone suie (EEA, 2013; WHO, 2012).

    Certaines de ces pathologies peuvent être considérées comme maladies professionnelles (Régime général : Tableau 16 ; Régime Agricole : Tableau 35).

    L’évaluation des effets sanitaires d’une exposition chronique au carbone suie est d’autant plus compliquée par « l’effet cocktail » des polluants atmosphériques et le fait que le bruit du trafic routier jouerait un rôle dans l’incidence des maladies cardiovasculaires (WHO, 2012).

  • Evaluation du risque lié à la suie

    Aucune valeur toxicologique et règlementaire de référence n’a été attribuée spécifiquement aux particules de suie. Des protocoles d’analyse sont actuellement évalués aux niveaux national et européen pour la suie. Les valeurs guides actuelles reposent sur le diamètre des particules qui ne tient pas compte de leur composition, ni de leur potentiel toxique (Anses, 2012).

  • Mesures et politiques publiques

    Les mesures environnementales consistent à réduire de manière générale les particules fines et non spécifiquement les particules de suie ou de carbone suie.

    En Europe, des zones à faibles émissions (LEZ – Low Emissions Zone) où les poids lourds ont interdiction de circuler ont été créées. Ainsi des réductions significatives en termes de particules fines et de carbone suie ont été observées. A Berlin (88 km2), les concentrations moyennes annuelles ont baissé de 6,8% pour les PM10, de 12 % pour le NO2 depuis 2007, en interdisant les véhicules de niveau euro 1 et 2, puis 3. De plus, l’instauration de LEZ et l’interdiction du transit de certains camions à Munich a entraîné une diminution de 4,5 à 13 % des concentrations en PM10, en fonction de la proximité aux axes routiers (Fensterer, 2014).

    En Suisse, les engins de chantiers doivent obtenir une accréditation prouvant que leur taux d’émission ne dépasse pas la limite autorisée. En France, le Plan National Particules mis en place en 2010, vise tous les secteurs d’émissions de particules, dont les secteurs domestique et agricole (Plan National Particules, 2010).

    Des mesures locales et nationales et européennes ont fait leur preuves ou sont en phase de test dans les domaines suivants (liste non exhaustive) (ADEME, 2015 ; CITEPA ; Ministère de la santé et de la prévention) :

    • Transport : normes Euro ; zone de circulation restreinte …
    • Domestique : label Flamme Verte, directive 2009/125/CE dite écoconception ou Ecodesign…
    • Agriculture : abandon ou l’adaptation de certaines pratiques comme le brûlage des résidus agricoles à l’air libre…
  • Surveillance et évolutions récentes

    Depuis 2016, de nouveaux dispositifs de mesure permettent la surveillance du carbone suie. La mesure de ce composé permet, sur le court terme, de connaître l’impact du chauffage au bois sur la qualité de l’air et d’étudier en temps réel les sources de combustion lors des épisodes de pollution. A moyen et à long terme, la mesure en carbone suie permettra d’évaluer les plans d’actions ciblés sur les différents types de sources (trafic, chauffage).

    Selon la directive européenne (EC/2008), la composition chimique des PM 2,5 devrait être analysée à l’échelle régionale, incluant les composés organiques et inorganiques. Pour la standardisation de ces mesures, le groupe de travail du Comité Européen de Normalisation (CEN) doit valider les méthodologies suggérées par des experts et recommander une méthode standard pour l’analyse du carbone élémentaire et organique dans les PM 2,5. Les résultats de ces travaux sont attendus fin 2017 (EEA, 2013).

    Pour faire émerger de nouveaux services urbains et en rendant le citoyen plus conscient de son environnement, les grandes villes et notamment Lyon proposent une approche innovante en croisant qualité de l’air et numérique en répondant aux objectifs du plan Oxygène. Plusieurs applications sur téléphone mobile ont été mises en lumière : des prévisions, des données de qualité de l’air et de recommandations peuvent être obtenues par l’usager en temps réel.

Auteur : Département Prévention Cancer Environnement, Centre Léon Bérard

Relecture : Linda Maupetit, référente territoriale, ATMO Auvergne-Rhône-Alpes

Mise à jour le 31 août. 2022

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