La majorité des études de toxicité du caoutchouc et de ses composants sur l’homme concerne la population professionnelle.
Industrie du caoutchouc
La toxicité du caoutchouc provient à la fois de la composition de l’élastomère initial, des composants auxiliaires dans les mélanges et du dégagement de produits de dégradation thermique lors les opérations de mise en œuvre et d’usinage, dont la composition peut être différente des produits initiaux.
Effets cancérogènes
Les expositions professionnelles liées aux activités industrielles de fabrication et de traitement du caoutchouc ont été classée cancérogènes pour l’homme (Groupe 1) par le CIRC en 2012. Ce sont donc les professionnels de l’industrie du caoutchouc qui sont ici considérés comme population à risque.
Selon le CIRC, l’exposition professionnelle liée aux activités industrielles de fabrication et de traitement du caoutchouc provoque des leucémies, des lymphomes et les cancers de l’estomac, du poumon et de la vessie. Une association positive a été observé entre l’exposition professionnelle liée aux activités industrielles de fabrication et de traitement du caoutchouc et les cancers de l’œsophage, de la prostate et du larynx (CIRC, 2012). Lors des différentes activités de l’industrie de caoutchouc, des substances chimiques utilisées par les travailleurs peuvent posséder une toxicité. Elles ont été évaluées par le CIRC (tableau 1) (CRAMIF, 2011 ; CNRS, 2016).
Tableau 1 Evaluation de la cancérogénicité des agents utilisés au sein de l’industrie du caoutchouc
Substance cancérogène |
Classification CLP |
CIRC |
Organes cibles des cancers |
Noir de carbone |
– |
2B |
Chez l’animal : poumons |
ortho-toluidine |
Carc.1B |
1 |
Vessie |
N-phényl-2-naphtylamine (PBN) |
Carc.2 |
3 |
Vessie |
2-naphtylamine |
Carc.1A |
|
|
Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) exemple benzo[a]pyrène |
Carc.1B
Muta.1B
Repr. 1B |
1 |
Peau, poumons, vessie, reins (suspectés) |
4,4’-méthylène bis (2-chloroaniline) (MOCA) |
Carc.1B |
1 |
Vessie |
4-4’-diaminophénylméthane (MDA) |
Carc.1B
Muta.2 |
2B |
Chez l’animal : foie et thyroïde |
1,3-butadiène |
Carc.1A
Muta.1B |
1 |
Leucémie, cancers hématopoïétiques |
Formaldéhyde |
Carc.1B
Muta.2 |
1 |
Nasopharynx
Cavités nasales et sinus (suspectés)
Leucémie (suspectée) |
Trichloroéthylène |
Carc.1B
Muta.2 |
1 |
Sites différents en fonction des espèces animales chez l’homme : cancers du foie et des voies biliaires, lymphomes non hodgkiniens sont suspectés dans des études épidémiologiques |
Dichlorométhane |
Carc.2 |
2B |
Foie et poumons chez la souris |
N-nitrosamines |
* |
2A (ex : NDMA), 2B ou 3 |
Vessie (suspecté), autres organes cités selon les N-nitrosamines |
Rayons X |
– |
1 |
Leucémie, thyroïde, os |
Silice cristalline |
– |
1 |
Poumons |
*Certains N-nitrosamines sont classées C1B (dimethylnitrosoamine; N –nitrosodimethylamine)
Plusieurs maladies liées à l’exposition professionnelle rattachée aux activités industrielles de fabrication et de traitement du caoutchouc, se déclarant au cours de l’activité professionnelle, sont reconnues maladies professionnelles. Ainsi la survenue de certains cancers chez ces travailleurs (estomac, poumon, la vessie, leucémies et lymphomes) est présumée d’origine professionnelle. La plupart des cancers considérés comme maladies professionnelles est associée à l’utilisation d’agents de vulcanisation dans l’industrie du caoutchouc (Régime général : 4, 15Ter, 36, 66, 84 / Régime agricole : 19).
Compte tenu du nombre élevé et variable des substances utilisées et la complexité des expositions dans l’industrie du caoutchouc, d’autres affections peuvent apparaitre en fonction de l’exposition du travailleur aux substances chimiques.
Autres effets toxiques chroniques (uniquement)
Les effets respiratoires chroniques n’apparaissent qu’après une exposition régulière et prolongée, comme la pneumoconiose au graphite, les broncho-pneumopathies chroniques ou la fibrose pulmonaire (NIOSH, 2014). La plupart des maladies chroniques considérés comme maladies professionnelles est associée à l’utilisation d’agents de vulcanisation dans l’industrie du caoutchouc (Régime générale: 4 Bis, 15 Bis, 22, 42, 74 / Régime agricole : 19 Bis, 45, 46, 48).
Les résultats fournis par des études de biosurveillance par des biomarqueurs (dommage à l’ADN, mutation de gènes, aberrations chromosomiques etc.) suggèrent que la génotoxicité seraient l’un des mécanismes impliqués dans l’augmentation du risque de cancer chez la population de travailleurs employés dans l’industrie de fabrication et de transformation du caoutchouc (Bolognesi, 2014 ; CIRC, 2012).
Des dermatoses peuvent apparaitre au sein des travailleurs de l’industrie du caoutchouc comme du secteur médical, sportif et de l’agriculture (Tableau n°95 ; INRS, 2011).
Elles sont de type :
- « allergie immédiate » avec urticaire, rhinite, asthme et risque d’anaphylaxie. Les agents responsables sont les protéines du latex. OU
- « allergie retardée » avec eczéma de contact allergique. Les principaux allergènes sont les accélérateurs de vulcanisation. L’eczéma de contact allergique aux gants peut compliquer une dermatose préexistante.
Les gants de ménage en caoutchouc semblent être une cause moins fréquente de sensibilisation aux additifs du caoutchouc du fait de la doublure textile interne qui réduirait le contact avec ces allergènes.
Une irritation des voies respiratoires et des yeux peut apparaitre chez les usagers professionnels fréquentant les pelouses synthétiques (ECHA, 2017).
Par la présence auxiliaire de substances préoccupantes telles que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) (HAP), les phtalates, le formaldéhyde, ou le benzène, d’autres risques sanitaires peuvent apparaitre. Par exemple, il a été suggéré une possible altération des fonctions reproductrices de l’homme (détérioration de la qualité du sperme) chez des travailleurs exposés à des mélanges de solvants hydrocarbonés dont le benzène lors de la production de caoutchouc. Cependant, la responsabilité de chaque solvant n’a pas pu individualisée (INRS, 2011).
Population générale
Voie cutanée
Des dermatoses peuvent également survenir chez la population générale.
Selon les données disponibles, l’évaluation des risques sanitaires encourus par les usagers non professionnels des pelouses synthétiques issues du recyclage du caoutchouc provenant de pneus usagés est très faible (ECHA, 2017).
Les données concernant les risques sanitaires liés à la présence de substances chimiques dangereuses (HAP, phénols, phtalate…) dans les pneus usagés, pour les aires de jeux sont controversées. A ce jour, compte tenu du nombre d’études limité, aucun effet adverse chronique significatif n’a été observé chez les populations, usagers et visiteurs des aires de loisirs pour les enfants avec des surfaces composés de granules agglomérées issus du recyclage de pneus usagés et la présence de jeux en caoutchouc (Lompart, 2013 ; Birkholz, 2003). Le rapport d’étude de l’EPA a montré que les concentrations des composants mesurés sont en dessous des seuils à risque mais a pointé aussi de nombreuses lacunes méthodologiques de cette étude. Compte tenu des nombreuses limites, il n’a pas été possible de conclure sans donnée complémentaire (EPA, 2009).
Voie orale
En l’état des connaissances et selon la méthodologie retenue, les résultats de l’évaluation ne mettent pas en évidence de risques sanitaires pour les enfants de moins de 3 ans mettant à la bouche les jouets testés contenant du caoutchouc, du plastique et ses substituts. Cette étude s’est portée sur 5 substituts de phtalates retrouvés dans ces articles et dont les effets critiques retenus ne comportaient pas de risque cancérogène. 1 substance n’a pu être évaluée. 2 substances sont interdites aujourd’hui et se retrouvent encore dans ces articles. De plus, d’autres substances dont les effets peuvent se cumuler n’ont pas été évaluées, elles peuvent être présentes dans des jouets en matière plastique ou issus d’autres sources (Anses, 2016).