Les nanotechnologies soulèvent des interrogations sur leur impact sur la santé et l’environnement. Les expositions les plus importantes concernent principalement celles présentes sur les lieux de travail. A ce titre, l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail considère les nanomatériaux comme l’un des dix principaux risques sanitaires émergents sur les lieux de travail (EU-OSHA, 2009).
Il faut distinguer l’exposition professionnelle de celle du consommateur.
Exposition professionnelle
En raison de l’utilisation croissante des nanoparticules dans les procédés industriels, de plus en plus de travailleurs y sont exposés (Kulbusch, 2011). Les enquêtes de secteurs professionnels réalisées en France estiment à une dizaine de milliers d’individus potentiellement exposés aux nanomatériaux (industries et laboratoires de recherche confondus), et donc (Afsset, 2008 ; IRSST, 2010 ; InVS, 2011 ; Savolainen, 2010).
À ce jour les études de poste publiées concernant les opérations mettant en œuvre des nanomatériaux sous forme de poudre indiquent que les aérosols auxquels sont exposés les opérateurs sont composés en grande majorité de particules sous forme agrégées ou agglomérées. Les procédés thermiques (soudage, découpe laser, métallisation etc.) ainsi que des procédés mécaniques sur des matériaux (usinage, ponçage, polissage, perçage) produisent des nanoparticules auxquelles les opérateurs sont exposés (Sanchez, 2009). Peu de données d’exposition professionnelle ont été publiées par manque d’outils de mesures et de méthodes d’évaluation fiables.
Prévention des expositions professionnelles aux nanomatériaux
L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), en collaboration avec le CNRS, a publié un guide qui s’adresse aux responsables, aux préventeurs et à toute personne amenée à fabriquer, utiliser ou caractériser des nanomatériaux. Ce guide présente des règles de protection destinées aux personnes qui interviennent dans les laboratoires de façon plus ponctuelle comme le personnel de nettoyage et les agents de maintenance (INRS, 2012).
L’INERIS a mis en place des supports pour accompagner les industriels et les laboratoires dans la maitrise des risques associés à la manipulation de nanomatériaux. Mettant à disposition des instruments de mesures et de caractérisation, l’Ineris participe à la maitrise de l’exposition du travailleur pour maitriser le risque. Il propose depuis 2010 une formation certifiante (NanoCert) dédiée aux préventeurs ou aux opérateurs, spécifique du risque nano (NanoCert/ http://www.ineris.fr/fr/prestations/certification-ineris/nano-technologies ).
Des programmes de surveillance spécifiques aux nanomatériaux sont en cours aux USA et en France. A travers la mise en place d’une étude de cohorte de travailleurs potentiellement exposés, le programme américain est focalisé sur les nanotubes et les nanofibres de carbone, alors qu’en France, le programme portera sur les nanotubes de carbone et le titane nanométrique (TiO2). En France l’enregistrement des travailleurs potentiellement exposés débute en janvier 2014 et le recrutement est étalé sur les 3 prochaines années. Cette étude très attendue porte sur le suivi des effets à moyen et long terme mais aussi sur une sélection de biomarqueurs pour étudier les effets à court terme (Guseva Canu 2013).
Exposition des consommateurs aux produits contenant des nanomatériaux manufacturés – quelles sont les recommandations ?
Les nanoparticules entrent dans la composition de nombreux produits de notre quotidien. Un site internet répertorie les produits à l’échelle mondiale (Consumer Products Inventory, http://www.nanotechproject.org/cpi, PEN). A ce jour le manque de données épidémiologiques, ne permet pas de mener une évaluation complète des risques potentiels liés aux nanomatériaux manufacturés contenus dans tous les produits de consommation courante.Par contre un nombre de publications croissant concerne les données toxicologiques et écotoxicologiques pour l’évaluation des dangers.
En 2008, l’Anses a répertorié 246 produits de grande consommation disponibles sur le marché français et contenant des nanomatériaux manufacturés, mais pour autant sans fournir la liste des produits concernés (Lasfargues, 2008). Dans les derniers chiffres disponibles pour 2013 sur le site du CPI, sur 1628 produits contenant des nanomatériaux et commercialisés à l’échelle mondiale, 440 le sont en Europe dont 32 en France. Ces nano-produits sont répartis dans plusieurs catégories par ordre décroissant, majoritairement dans le domaine santé/bien-être (dont les produits cosmétiques et d’hygiène), suivi par des produits pour la maison et le jardin, puis alimentaire (comprenant les boissons), le secteur automobile, le textile, l’électronique et produits pour enfants.
En 2013, les principaux nanomatériaux utilisés dans ces produits à l’échelle mondiale sont par ordre décroissant à base d’argent, de titane, de carbone, de silice, de zinc et d’or. Ainsi de nombreuses crèmes solaires contiennent des nanoparticules de dioxyde de titane comme dans certains dentifrices et friandises. Des nanoparticules d’argent sont retrouvées dans des dentifrices, des jouets pour enfants et des désinfectants. Ils sont aussi présents dans la composition des textiles des vêtements en raison de leurs propriétés antibactériennes. D’après le site du CPI, à l’échelle mondiale, le nombre de produits contenant des nanomatériaux a été multiplié par 2 en 5 ans, et d’ici 2020, comme le prévoit la commission européenne dans son programme pour la recherche et l’innovation « H2020 » qui débutera en 2014, l’emploi des nanotechnologies sera généralisé.
En attendant les données sur un risque potentiel des nanoparticules pour l’homme et l’environnement, l’Anses a émis un certain nombre de recommandations (Anses, 2013) :
- Informer les consommateurs sur les produits contenant des nanoparticules manufacturées (nano-produits) pour qu’ils puissent choisir de consommer ou de ne pas consommer des nano-produits. Donner au consommateur la possibilité de s’informer facilement sur la composition des nano-produits.
- Limiter l’exposition des consommateurs et de l’environnement (en plus des salariés) en construisant un cadre normatif.
- Inciter la recherche dans les domaines de l’évaluation de l’exposition, de la toxicologie et de l’écotoxicologie.