Historiquement, les premières preuves des effets délétères de la pollution atmosphérique et notamment des particules sur la santé portaient essentiellement sur la mortalité prématurée induite par une exposition à court-terme à des niveaux élevés de pollution (Slama, 2022). L’épisode de SMOG (contraction de « fog » signifiant « brouillard » et de « smoke » signifiant « fumée ») survenu à Londres en 1952, en est un parfait exemple. La conjonction d’une vague de froid (entrainant une consommation importante de charbon pour se chauffer, notamment du charbon de qualité médiocre comportant une concentration élevée en soufre), de conditions anticycloniques (absence de vent et inversion de température limitant la dispersion des polluants) ont favorisé la concentration des polluants à l’origine de l’épaisse couche de SMOG qui a recouvert Londres à cette période. Ce pic de pollution atmosphérique a très vite entraîné une hausse des hospitalisations et de la mortalité pour des causes cardiovasculaires et respiratoires (Samet, 2016).
Désormais, les études s’intéressent, de plus en plus, aux effets sanitaires engendrés par une exposition chronique à de faibles doses de PM (Amadou, 2020; Dominici, 2019; Pope, 2004). En raison de leur capacité à atteindre la circulation sanguine et donc à diffuser dans d’autres tissus et organes, ces effets ne se limitent pas à ceux touchant la fonction respiratoire. Les PM contribuent également au développement de maladies telles que le diabète de type 2, les maladies neurodégénératives, la morbi-mortalité cardiovasculaire et affectent la santé de l’enfant depuis son plus jeune âge (Li, 2017; Santé Publique France, 2022).
Au vu de leurs nombreux effets sanitaires, les PM constituent une des principales causes de décès prématurés et sont associées à une perte considérable d’espérance de vie (Santé Publique France, 2021). En France, le rapport d’évaluation quantitative d’impact sur la santé (EQIS) de 2021 soulignait que 40 000 décès annuels et 1 500 cas de cancer du poumon étaient attribuables à l’exposition aux PM2.5 (Kulhánová, 2018; Medina, 2021). Ce nombre est probablement sous-estimé car les études d’impact prennent en compte uniquement les pathologies dont le lien de causalité est clairement établi. A titre d’exemple, une récente méta-analyse semble indiquée un lien entre les particules fines et le risque de cancer colorectal (Fu, 2023). Or, cette pathologie n’a pas été prise en compte dans la dernière étude d’impact de Santé Publique France.
Particules et cancer
La pollution de l’air extérieur est classée cancérogène certain (groupe 1) par le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC). Certaines substances qui entrent dans la composition de l’air, comme par exemple, les PM, les gaz d’échappement des moteurs diesels, le benzène sont également classées cancérogènes par le CIRC (Monographie du CIRC – Volume 109, 2013). Les particules fines sont notamment associées à une augmentation du risque de cancer du poumon (Pope, 2002; Chen, 2020; Brunekreef, 2021). Très récemment, une étude menée par une équipe britannique, a permis d’identifier le mécanisme d’action à l’origine de ce lien. L’exposition aux particules fines crée un terrain inflammatoire et favorise la prolifération des cellules porteuses de certaines mutations, dont la mutation EGFR (« Epithelial Growth Factor Receptor »), ce qui pourrait conduire à la survenue de cancer du poumon (Swanton, 2022).
Par ailleurs, selon le rapport du Global Burden of Disease (GBD) de 2019, les particules en suspension dans l’air constituent le second facteur de risque de décès par cancer de la trachée, des bronches et du poumon. Elles sont responsables de 15,1 % (IC 95% : 11,3 % – 18,9%) des décès par cancer de la trachée, des bronches et du poumon dans le monde (Global Burden of Disease, 2019). En revanche, en l’état actuel des connaissances, les preuves sont limitées pour le cancer du sein (Gabet, 2021).
Les connaissances actuelles concernant l’association avec d’autres expositions moins courantes et le risque de cancer sont résumées dans le tableau 1.
Tableau 1. Etat des connaissances concernant l’association entre certaines substances entrant dans la composition des particules et le risque de cancer (Monographie du CIRC – Volume 109, 2013)
Agent |
Indications suffisantes chez l’Homme |
Indications limitées chez l’Homme |
Combustion domestique de charbon |
Poumon |
|
Gaz d’échappement moteurs diesel |
Poumon |
Vessie |
Dioxine |
Tous types de cancer confondus |
Poumon, sarcome TM, Lymphome non hodgkinien |
Benzène |
Leucémie aigüe lymphoblastique |
Hémopathie maligne (leucémies non lymphoblastiques, leucémie lymphoïde chronique, myélome multiple, lymphome non hogkinien) |
A l’issue de l’ensemble de ces études, deux constats ont été faits quant à l’impact des particules en suspension sur la santé :
- Aucun seuil n’a été constaté en deçà duquel il n’y aurait pas d’effet sanitaire (Dominici, 2019). L’exposition à long-terme à de faibles doses de PM induit des effets sanitaires plus importants (Santé Publique France, 2022).
- La nécessité de prendre en compte en priorité l’exposition chronique aux particules (et non uniquement les pics de pollution) dans les politiques de santé publique afin de réduire leur impact sur la santé.