Présentation
Article étudié |
Référence (publication en anglais) : Baudry J, Assmann K.E, Touvier M, Allès B, Seconda L, Latino-Martel P, Ezzedine K, Galan P, Hercberg S, Lairon D, E. Kesse-Guyot. Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer Risk– Findings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study. JAMA Intern Med. doi:10.1001/jamainternmed.2018.4357 Published online October 22, 2018. |
Contact scientifique sur cette étude : Emmanuelle Kesse‐Guyot : e.kesse@uren.smbh.univ‐paris13.fr; Centre de Recherche en Epidémiologie et Statistiques Sorbonne Paris Cité (Inra, Inserm, Université Paris 13, CNAM) ; équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle ; Département Alimentation humaine ; Centre Inra Ile‐de‐France‐Jouy‐en Josas. |
Une étude épidémiologique française s’est intéressée à l’association entre la fréquence de la consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique et le risque de cancer. Publiée le 22 octobre 2018 dans la revue JAMA Internal Medicine, c’est la première étude sur le risque de développer un cancer et la consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique dans la population générale. Cette étude montre que les plus gros consommateurs d’alimentation issue de l’agriculture biologique ont un risque de cancer réduit de 25 % par rapport à ceux qui en consomment le moins.
Ce sont des chercheurs du centre de recherche en Epidémiologie et Statistiques Sorbonne Paris Cité (Inra/Inserm/Université Paris 13/CNAM) qui ont mené cette étude épidémiologique basée sur l’analyse d’un échantillon de 68 946 participants (78% de femmes, âge moyen 44 ans) de la cohorte française NutriNet‐Santé (https://etude-nutrinet-sante.fr/). Leurs données relatives à la consommation d’aliments bio ou conventionnels ont été collectées à l’inclusion, à l’aide d’un questionnaire de fréquence de consommation (jamais, de temps en temps, la plupart du temps) pour 16 groupes alimentaires (fruits, légumes, produits à base de soja, produits laitiers, viande/ poisson/œufs, féculents/légumes secs, pain/céréales, farine, huiles/condiments, plats préparés, café/thé/infusions, vin, biscuits/chocolat/sucre/confiture, autres aliments, compléments alimentaires). Des caractéristiques sociodémographiques, de modes de vie ou nutritionnelles ont également été prises en compte dans cette analyse.
Au cours des 7 années de suivi (2009‐2016), 1 340 nouveaux cas de cancers ont été enregistrés et validés sur la base des dossiers médicaux. Une diminution de 25% du risque de cancer (tous types de cancers confondus) a été observée chez les consommateurs « réguliers » d’aliments bios comparés aux consommateurs plus occasionnels. Cette association était particulièrement marquée pour les cancers du sein chez les femmes ménopausées (‐34 % de risque, score bio élevé versus bas) et les lymphomes (‐76 % de risque). La prise en compte de divers facteurs de risque pouvant impacter cette relation (facteurs sociodémographiques, alimentation, modes de vie, antécédents familiaux) n’a pas modifié les résultats.
Dans le communiqué de presse du 22 octobre 2018 « Moins de cancers chez les consommateurs d’aliments bio ? » associé à la publication de cette étude, les auteurs soulignent que « plusieurs hypothèses pourraient expliquer ces données : la présence de résidus de pesticides synthétiques beaucoup plus fréquente et à des doses plus élevées dans les aliments issus d’une agriculture conventionnelle, comparés aux aliments bio est l’hypothèse la plus probable selon les auteurs. Autre explication possible : des teneurs potentiellement plus élevées en certains micronutriments (antioxydants caroténoïdes, polyphénols, vitamine C ou profils d’acides gras plus bénéfiques) dans les aliments bio. Les conclusions de cette étude doivent être confirmées par d’autres investigations conduites sur d’autres populations d’étude, dans différents contextes. Néanmoins, ces résultats soutiennent les recommandations du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) émises en 2017 pour les futurs repères alimentaires du Programme National Nutrition Santé (PNNS) visant à privilégier les aliments cultivés selon des modes de production diminuant l’exposition aux pesticides pour les fruits et légumes, les légumineuses et les produits céréaliers complets.
Nous attirons l’attention des lecteurs sur le fait que, comme pour toute étude épidémiologique de qualité indéniable, il subsiste des limites dans les conclusions de cette étude, limites bien détaillées dans la publication, telles que des facteurs de confusion résiduelle et un court suivi de 4 ans des participants. Il convient donc de poursuivre les recherches pour en confirmer les résultats, et comme l’indiquent les auteurs, des travaux complémentaires sont nécessaires pour la mise en place des mesures de santé publique adaptées et ciblées.