Amines aromatiques

expositions professionnelles

Le saviez-vous ?

Les amines aromatiques (AA) sont des composés solides ou liquides utilisés pour la synthèse des matières colorantes, des produits pharmaceutiques, dans l’industrie du caoutchouc et des matières plastiques. La principale voie d’exposition aux AA est la voie cutanée, surtout en milieu professionnel.

Le processus de fabrication de l’auramine est classé cancérogène avéré (Groupe 1) par le CIRC.

Quatre AA ont également classés cancérogènes avérés (Groupe 1) par le CIRC pour la vessie : la 4-amino biphényle (fabrication du caoutchouc), la benzidine, la ß-naphtylamine (pigments et colorants), le chloro-2 aniline dit MBOCA (polyuréthanes).

Parmi les cancérogènes probables (Groupe 2A du CIRC), on compte le 4-chloro-otho-toluidine, intermédiaire de synthèse des colorants azoïques et du pesticide chlordiméform.

Les métiers de coiffeur et de barbier (manipulation de colorants contenant des AA) ont également été classés cancérogènes probables (Groupe 2A du CIRC).

L’exposition environnementale aux AA est plus faible du fait de mesures d’interdiction ou de restriction sur les produits courants (textiles, alimentation, cosmétiques). Le tabac représente la principale source d’exposition environnementale aux AA cancérogènes.

L’exposition professionnelle aux AA serait responsable de 5,4% des cancers de la vessie (industries du caoutchouc, des cosmétiques, des pesticides, emploi de substances colorantes, plasturgie). Le tableau 15 ter des maladies professionnelles concerne les lésions prolifératives de la vessie provoquée par certaines AA.

Présentation

Les amines aromatiques (AA) sont des hydrocarbures aromatiques dans lesquels un hydrogène au moins est remplacé par un groupement amine. Ce sont des composés solides ou liquides à température ambiante, peu solubles dans l’eau, peu volatils. On regroupe les AA dans une même famille chimique mais leur toxicité varie d’une substance à l’autre. Le terme « aromatique » a initialement désigné une famille de substances possédant une odeur caractéristique souvent agréable, mais le mot qualifie aujourd’hui la structure physique de ces composés. On utilise les AA pour la synthèse des matières colorantes, des produits pharmaceutiques, dans l’industrie du caoutchouc et des matières plastiques.

  • Cancers et amines aromatiques : agents, mélanges et circonstances d’exposition

    Il existe de nombreuses AA cancérogènes avérés ou suspectés de l’être. Certaines font l’objet d’un classement par l’Union européenne et par le CIRC. Le classement par le CIRC peut concerner des molécules isolées ou en mélange, mais aussi des circonstances d’exposition préoccupantes (industries, métiers).

    Quatre AA sont des cancérogènes avérés pour la vessie, classés dans le groupe 1 du CIRC : la 4-amino biphényle, qui est utilisée dans la fabrication du caoutchouc ; la benzidine (4,4′ – diaminobiphényle) et la ß-naphtylamine (2 – naphtylamine), qui sont utilisées pour la fabrication des pigments et des colorants ; le méthylène-4, 4bis (chloro-2 aniline) dit MBOCA ou MOCA, qui est utilisé dans la fabrication de certains polyuréthanes (CIRC, 2010). Les trois premières sont également classées en catégorie 1 par l’Union européenne. Leur production et utilisation industrielles ont été interdites (1989) suite à des études sur les travailleurs de l’industrie chimique révélant, dans les années 50, leur responsabilité dans l’apparition de cancers de la vessie.

    Le processus de fabrication de l’auramine (utilisé comme antiseptique puis comme produit de synthèse de colorants) a été identifié comme étant associé à une augmentation du risque de cancer de la vessie (groupe 1 du CIRC), sans qu’un agent responsable unique puisse être isolé. L’utilisation de produits qui en contiennent est aujourd’hui interdite en France pour la teinture des textiles, mais elle est toujours d’actualité dans certains pays. Le magenta (mélange de 3 colorants) est également classé 1 par le CIRC (CIRC, 2010).

    Le métier de peintre est également classé cancérogène avéré (groupe 1) par le CIRC pour les cancers de la vessie, du poumon, et pour le mésothéliome, du fait, entre autres, de la présence d’amines aromatiques dans les solvants utilisés dans les peintures (CIRC, 2010). L’industrie du caoutchouc l’est de la même façon pour les cancers de la vessie et les leucémies (CIRC, 1982).

    Parmi les cancérogènes probables (groupe 2A du CIRC), le CIRC a identifié une AA employée comme intermédiaire de synthèse des colorants azoïques et du pesticide chlordiméform (insecticide) : la 4-chloro-ortho-toluidine (voir tableau 15 ter des maladies professionnelles). Les métiers de coiffeurs et de barbiers sont également classés 2A, du fait de la manipulation de colorants contenant des amines aromatiques qui augmenteraient les risques de cancers de la vessie (CIRC, 2010).

    Le groupe des cancérogènes possibles (2B) comprend une vingtaine d’AA, ainsi que le travail dans l’industrie textile qui pourrait être un facteur de risque de cancer de la vessie du fait l’exposition à des colorants.

  • Usages et voies d’exposition de l’organisme

    On utilise les amines aromatiques dans la fabrication de produits colorants, pharmaceutiques, dans l’industrie du caoutchouc et des matières plastiques (accélérateurs et antioxydants). Certains dérivés sont utilisés pour améliorer la résistance à la chaleur de résines (MOCA), ou comme intermédiaires de synthèse dans la production de certains pesticides (chlordiméform – utilisation de la 4-chloro-ortho-toluidine).

    Les voies d’exposition aux AA sont à la fois orale (mains souillées), respiratoire (inhalation de fines particules, vapeurs…), digestive (aliments), mais la principale voie d’exposition est la voie cutanée. La prédominance de la toxicité par voie cutanée en milieu professionnel impose une surveillance biologique des expositions par le médecin du travail, en plus d‘une surveillance des atmosphères de travail.

  • Exposition professionnelle aux amines aromatiques

    Cancers professionnels

    On considère que les AA représentent, avec les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les deux ensembles de substances chimiques à l’origine de l’essentiel des cancers professionnels de la vessie. L’origine professionnelle de ces cancers reste insuffisamment recherchée, ce qui participe, avec les difficultés d’identification des expositions, à la sous déclaration de ces cancers (Imbernon, 2003).

    L’exposition professionnelle aux AA serait responsable de 5,4% des cancers de la vessie (Imbernon, 2003). En 2003, l’enquête d’évaluation des expositions aux risques professionnels en France (SUMER) enregistrait 70 800 salariés exposés aux AA dont 15 600 l’étaient au-delà de 10 heures par semaine (DARES, 2006). Les principaux secteurs concernés par l’exposition aux AA sont les industries du caoutchouc, de cosmétiques, de pesticides (fabrication du chlordiméform), l’emploi des substances colorantes (secteurs du textile, du cuir et du papier), la plasturgie, et les laboratoires de recherche, qui représentent de multiples milieux professionnels où les risques sont plus ou moins élevés (INRS, 2007).

    Dans l’industrie du caoutchouc, les tumeurs les plus représentées sont celles de la vessie, du fait de l’utilisation importante d’AA (InVS, 2006). Dans les laboratoires de recherche, l’utilisation des AA est éparse et en très faible quantité ; l’exposition y est donc maîtrisable. Les données sur l’emploi des AA peuvent être difficilement accessibles, notamment dans l’industrie des cosmétiques (INRS, 2007).

    Les expositions professionnelles ont globalement baissé entre les années 1970 et 2000. On estime que les expositions aux trois AA cancérogènes de groupe 1 du CIRC (4-amino biphényle, benzidine, ß-naphtylamine) interdits en 1989 ont cessé depuis le milieu des années 80, par anticipation de l’interdiction par les industriels. Des travailleurs seraient cependant aujourd’hui exposés à la MOCA, substance elle aussi classée cancérogène certain, mais dont l’usage a seulement été restreint, la matière première étant toutefois entièrement importée d’Asie. Durcisseur des matières plastiques, la MOCA est essentiellement employée en plasturgie, où des réticences à la substitution ont été observées (Héry et al. 2006).

    Réglementation

    La production et l’utilisation de préparations contenant plus de 0,1% de 2-naphtylamine, 4-aminobiphényle, et de benzidine (3 AA classés 1 par le CIRC) sont interdites en France (décret du 28 août 1989), sauf à des fins de recherche, d’essai ou d’analyse scientifique. Dans ces situations, l’employeur doit s’assurer des moyens de prévention mis en œuvre (voir ci-dessous). Le « décret CMR » (décret n°2001-97 du 1er février 2001) demande la substitution des AA par des produits moins dangereux. Les salariés exposés à des AA cancérogènes peuvent bénéficier d’un suivi post-professionnel.

    Prévention des risques professionnels

    Selon l’enquête SUMER 2003, 19,1% des salariés exposés aux AA bénéficient d’une protection individuelle respiratoire, et 30% d’une protection oculaire. Dans 39,4% des cas, aucune protection collective (aspiration à la source, vase clos, ventilation générale) n’était mise en place (DARES, 2006).
    D’après l’INRS, les principaux progrès réalisés ces trente dernières années sur la prévention des risques professionnels liés à l’exposition aux AA sont principalement dus aux interdictions et aux restrictions d’utilisation de certaines AA. Le dépistage précoce et la formation des salariés doivent encore s’améliorer, les équipements de protection individuelle étant encore souvent le seul moyen de prévention (INRS, 2007).

    Maladies professionnelles liées aux AA

    Les AA font l’objet de quatre tableaux de maladies professionnelles relevant du Régime général : les tableaux 15, 15 bis, 15 ter et 51.
    Le tableau 15 ter concerne les lésions prolifératives de la vessie provoquées par certaines AA. Le délai de prise en charge est de 30 ans. Depuis août 2012, la durée d’exposition requise est de 5 ans, quels que soient les travaux et les types d’expositions considérés.
    Les AA sont à l’origine d’autres pathologies professionnelles, répertoriées dans les autres tableaux, comme notamment des allergies, des affections dermatologiques, ou des troubles neurologiques.

  • Exposition environnementale aux amines aromatiques

    La population générale peut être exposée aux AA par le biais de plusieurs produits de consommation courante, bien que l’exposition potentielle soit généralement limitée par des mesures d’interdiction ou de limitation.

    Le tabac : certaines AA (ß-naphtylamine, o-toluidine, cancérogènes de groupe 1, aniline, xénylamine, xylidine) sont des constituants de la fumée de cigarette et contribuent au pouvoir cancérogène de la fumée de cigarette. Celle-ci représente la principale source d’exposition environnementale aux AA cancérogènes (Villa, 2004).

    Les textiles : depuis 2003, 22 AA sont interdites (Directive 2002/61/CE) dans les articles en tissu et en cuir en contact avec le corps humain, si leur concentration est supérieure à 30 ppm (partie par million, par ex mg/kg). La liste inclut notamment les AA cancérogènes avérés et probables. Les articles concernés sont ceux susceptibles d’entrer en contact direct et prolongé avec la peau (vêtements, tissus, literie, chaussures, gants, dessus de chaise…) ou la bouche (jouet…).

    L’alimentation, de part ses colorants ou les matériaux d’emballage. L’utilisation des colorants alimentaires est courante mais limitée. Elle est interdite dans certaines denrées : eau, lait, huiles, purées et conserves de tomates, vins, etc. Une liste européenne de 11 colorants précise ceux qui sont autorisés, les produits alimentaires dans lesquels ils peuvent être ajoutés, leurs concentrations maximales et la pureté exigée, ainsi que l’obligation d’étiquetage des emballages (Directive 94/36/EEC).
    Des AA peuvent aussi se former dans des matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires en raison de la présence d’impuretés ou de produits de dégradation. Pour cette raison, ces matériaux sont soumis à une réglementation détaillée indiquant les substances autorisées pour leur composition (Directive 2002/72/CE), et imposant aux industriels le principe d’inertie des emballages destinés au contact alimentaire, ceux-ci ne devant pas migrer vers l’aliment (règlement 1935/2004/CE). En France, l’Anses a mis en place un comité d’experts spécialisés « Matériaux au contact des denrées alimentaires », dédié à l’évaluation des risques sanitaires liés au contact entre les matériaux et les aliments, en particulier en cas de migration de substances vers les aliments (non seulement pour les emballages alimentaires mais également pour les ustensiles de cuisine ainsi que l’ensemble des matériaux utilisés lors de la production et le conditionnement des denrées).

    Les cosmétiques : La Directive 2005/42/CE relative aux produits cosmétiques, interdit désormais l’emploi de 3 colorants susceptibles de libérer un ou plusieurs AA cancérogènes (colorants CI 12150, CI 20170, CI 27290).

    Les déchets :
    Les AA sont considérées « constituants qui rendent les déchets dangereux ». Ces déchets dangereux doivent être identifiés, inventoriés et faire l’objet de dispositions visant à protéger la santé et l’environnement (Directives européennes 91/689/CEE, 2008/98/CE) : précautions relatives au stockage, à l’élimination…

  • Evolutions récentes

    L’EFSA examine actuellement l’ensemble des additifs alimentaires afin de mettre à jour ses conseils de sécurité aux consommateurs européens (Dossier EFSA sur les additifs alimentaires, 2012). Dans ce cadre, elle a décidé en 2009 de réduire les doses journalières acceptables (DJA) pour 3 colorants alimentaires artificiels, dont E110 et Ponceau 4R, qui sont des dérivés azoïques pouvant se transformer en AA. Elle n’a en revanche pas modifié les valeurs réglementaires des autres colorants azoïques : tartrazine, azorubine, rouge Allura AC.

    En août 2012, le décret n°2012-936 a modifié le tableau 15 ter du régime général pour fixer la durée d’exposition à 5 ans, quelle que soit l’activité exercée (auparavant, celui-ci pouvait être de 5 ou 10 ans suivant le type d’exposition considérée) et supprimer la N-nitroso-dibutylamine des substances concernées par le tableau.

Auteur : Département Prévention Cancer Environnement, Centre Léon Bérard

Sources rédactionnelles : Anses, CIRC, DARES, EFSA, INRS, InVS

Relecture : Dr Barbara Charbotel, médecin épidémiologiste en santé au travail, Lyon

Mise à jour le 16 août. 2022

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