Retardateurs de flamme

expositions professionnelles

Le saviez-vous ?

Les retardateurs de flamme bromés (RFB, 30% des retardateurs sur le marché) sont incorporés dans des produits de consommation pour les rendre moins inflammables. Ces produits relâchent des RFB dans l’environnement, contaminent l’air, le sol et l’eau. Les RFB peuvent donc entrer dans la chaîne alimentaire et seront retrouvés principalement dans les aliments d’origine animale, comme le poisson, la viande, le lait.

Pour cette raison, la première voie d’exposition de la population générale est l’alimentation puis par les contacts cutanés ou l’inhalation de poussières contaminées. Les concentrations en RFB dans les denrées alimentaires sont encore mal connues.

Les nouveau-nés sont exposés aux RFB via le lait maternel.

La population de travailleurs est quant à elle, encore plus exposée aux RFB par voie respiratoire et cutanée.

Très peu de données scientifiques sont disponibles chez l’Homme quant à la toxicité de ces composés, des études chez l’animal montrent qu’ils ont une influence sur le développement neurologique, qu’ils peuvent agir comme des perturbateurs endocriniens.

Le CIRC a évalué le potentiel cancérogène du déca-BDE comme « non classifiable » (Groupe 3).

L’EFSA considère que l’exposition de l’Homme aux RFB ne présente actuellement pas de risque pour la santé humaine.

Des données sur l’exposition des jeunes enfants (moins de trois ans) sont attendues afin de confirmer que cette population à risque n’est pas exposée à des concentrations trop élevées de RFB, notamment les PBDE. Les données chez l’animal montrent que les effets des RFB sont amplifiés lorsqu’ils agissent pendant les périodes de développement.

Présentation

Les produits dits retardateurs de flamme sont des composés chimiques commercialisés sous forme de mélanges et utilisés dans de nombreux matériaux pour prévenir la formation de flammes lorsqu’ils entrent en contact avec la chaleur.

Il existe un grand nombre de retardateurs de flammes mais les retardateurs de flamme halogénés sont ceux qui présentent actuellement le plus grand intérêt. Le brome, le chlore, le fluor et l’iode sont les éléments du groupe chimique des halogènes. Seuls le brome et le chlore, lorsqu’ils sont combinés à d’autres produits, sont efficaces dans le rôle de retardateur de flamme. Toutefois, les plus courants sont les retardateurs de flamme bromés (RFB) parmi lesquels les plus utilisés sont :

  • les polybromodiphényléthers (PBDE) utilisés dans les plastiques, textiles, moulages électroniques et circuits électriques. Parmi ces PBDE, trois ont connu un usage commercial : le pentabromodiphényléther (penta-BDE) ; l’octabromodiphényléther (octa-BDE) et le décabromodiphényléther (deca-BDE). La production et la commercialisation du penta-mix et octa-mix sont interdites depuis 2004 et en 2014, une demande a été déposée par l’ECHA (European Chemicals Agency) pour restreindre les usages du deca-BDE.
  • l’hexabromocyclododécane (HBCDD) utilisé principalement comme isolant thermique dans l’industrie du bâtiment mais aussi dans les équipements électriques et les textiles ;
  • le tétrabromobisphénol A (TBBPA) utilisé dans les cartes de circuits imprimés et dans les thermoplastiques des téléviseurs ;
  • les polybromobiphényles (PBB) utilisés dans les appareils ménagers, textiles, et mousses plastiques.
  • le TBBPA et le Déca-BDE sont les deux retardateurs de flammes bromés les plus couramment utilisés dans le monde.

La suite de la fiche ne traitera que des ces quatre composées ou familles de composés retardateurs de flamme bromés.

  • Les RFB dans l'environnement

    Tout produit traité avec des RFB en relargue constamment dans l’environnement, de sa production jusqu’à son élimination. Les principales sources d’émission sont donc les usines de synthèse, d’utilisation, de destruction ou de recyclage de ces composés, mais principalement les produits en eux-mêmes. Ils contaminent ainsi l’air, les sols et l’eau.

    Les RFB sont des polluants organiques persistants (POP) qui s’accumulent dans l’environnement et le corps humain, et malgré l’interdiction de plusieurs de ces produits, ils se trouvent de plus en plus présents dans l’environnement (Anses, 2012 ; Ineris, 2006). Ils peuvent ensuite entrer dans la chaîne alimentaire notamment via les aliments d’origine animale tels que le poisson, la viande, le lait et leurs produits dérivés (EFSA, 2011).

    D’après le centre d’expertise en analyse environnementale du Québec (2010), les concentrations moyennes de RFB dans les tissus humains doublent environ tous les 5 ans. De plus lors d’une étude en Arctique la présence de RFB a été identifiée dans l’air et des animaux marins, prouvant ainsi leur fort potentiel de dissémination à grande échelle. Toutefois, les endroits les plus contaminés restent la périphérie des usines les produisant (ATSDR, 2004 ; Ineris, 2006).

    En 2003, les RFB les plus utilisés sont le TBBPA suivi par les PBDE. Toutefois, ces derniers étant utilisés comme des additifs dans la fabrication des produits manufacturés, ils sont susceptibles de migrer hors de la matrice du produit et d’en être rejetés (Afssa, 2006).

  • Toxicité des RFB sur l'homme

    PBDE

    Le seul retardateur de flamme évalué par le CIRC est le déca-BDE. Il est classé dans la catégorie 3 – agent inclassable par manque de données scientifiques chez l’Homme et insuffisantes ou limitées chez l’animal – depuis 1990 (CIRC, Monographie Vol. 48 et 71). Toutefois, il a été classé comme cancérigène possible par l’US-EPA en 1986 sur la base de données chez l’animal pour une exposition par voie orale uniquement. En 2010, l’EPA a classé le décaBDE comme possiblement cancérigène pour l’homme (classe C) du fait d’une augmentation significative du nombre de nodules hépatiques néoplasiques trouvés chez le rat et du nombre des carcinomes ou adénomes hépatocellulaires combinés chez les souris mâles (US EPA 2010).

    L’EFSA (2011) cite  aussi certaines études montrant une augmentation des tumeurs du foie chez des souris et rats mais seulement lorsqu’ils sont exposés à de fortes doses supérieures à 1200 mg/kg/jour de PBDE.

    Autres effets des PBDE

    De nombreuses expériences sur des rongeurs ont montré que diverses doses de PBDE perturbent l’homéostasie thyroïdienne dans le sérum et le plasma des animaux exposés pendant la période utérine ou néonatale. Cependant, peu de données humaines existent.

    Chez l’animal, une sensibilité plus grande est observée chez le fœtus et le nouveau-

    né avec l’apparition d’effets neurologiques à l’âge adulte (altération du comportement, hyperactivité,…) (Afssa, 2006 ; US-EPA, 2008 ; EFSA, 2011).

    Des études épidémiologiques ont montré que les enfants de mères ayant une charge plus élevée de PBDE pendant la grossesse, avaient un risque plus élevé de déficits du QI et des troubles d’apprentissage tardivement dans la vie (Eskenazi, 2013).

    Bien que les résultats chez les animaux et les humains ne soient pas toujours parfaitement cohérents, une forte tendance indique que l’exposition aux PBDE peut affecter le développement neurologique.

    L’EFSA (2011) et l’Afssa (2006) citent aussi des effets sur la thyroïde, le foie, le rein et sur les organes reproducteurs. Certaines études épidémiologiques confirment le lien entre PBDE et les effets thyroïdiens (EFSA, 2011).

    De nombreuses altérations hormonales ont été rapportées concernant certains PBDE et la thyroïde. Des effets indirects résultant de modifications hormonales thyroïdiennes pourraient avoir un impact certain sur les fonctions de reproduction, et plus particulièrement sur le déroulement de la maturation sexuelle, sur le développement de l’embryon et sur l’activité neurocomportementale des nouveau-nés. Ils affectent aussi le développement cognitif des jeunes enfants, avec une chute de QI.

    Les résultats de la plupart des études épidémiologiques sur l’homéostasie thyroïdienne suggèrent une association entre l’exposition aux PBDE et une modification de la régulation de fonction thyroïdienne (Kim, 2014). Plusieurs données convergent pour estimer que les PBDE sont des perturbateurs endocriniens potentiels (Afssa, 2006).

    HBCDD

    D’après la commission européenne (2008), il n’y a pas de données scientifiques indiquant que le HBCDD pourrait être cancérigène.

    L’HBCD semble être aussi puissant que les PBDE dans l’induction d’effets neurotoxiques au cours du développement chez la souris. L’Ineris (2012) et l’EFSA (2011)  rapportent des études animales où le HBCDD est toxique pour le foie, la thyroïde, l’hypophyse, le système immunitaire et pour la reproduction.

    Le HBCDD ne fait toutefois pas partie de la stratégie communautaire européenne sur les perturbateurs endocriniens.

    TBBPA

    Il n’y a pas de données épidémiologiques disponibles chez l’Homme sur les effets sanitaires du TBBPA que ce soit pour une exposition aiguë ou chronique. Chez l’animal, plusieurs études ont rapporté une toxicité du TBBPA pour les organismes aquatiques. Chez les larves de xénope (Xenopus tropicalis), le TBBPA induit rapidement des malformations  des yeux et de la queue des embryons et les voies d’action de ce composé semblent impliquer l’axe thyroïdien (Shi, 2010).

    la plupart des études ne montrent pas d’effets particuliers, à part sur la thyroïde (EFSSA, 2011).

    Aucune donnée sur la cancérogénicité de ce produit n’a pu être identifiée. Il a été constaté que le TBBPA n’est pas génotoxique dans des études in vitro.

    PBB dont l’HexaBB et le DecaBB

    Ces derniers produits massivement dans les années 70, ont été interdits du marché européen et plus produits à partir de 2000, suite à de nombreuses études démontrant leur toxicité.

    Les données scientifiques existantes chez l’Hommes sont jugées insuffisantes. L’EFSA (2011) et l’ATSDR (2004), rapportent que certaines études mettent en évidence une augmentation du cancer du foie chez le rat exposé aux PBB (comme pour les PBDE), avec un mécanisme d’action non génotoxique. Le cancer du foie est l’effet critique retenu par l’EFSA pour évaluer les risques de l’exposition aux PBB pour la population générale (voir partie suivante).

    D’autres effets toxiques sur le foie, la thyroïde, le système nerveux et le système immunitaire ont été rapportés lors d’études animales (EFSA, 2011 ; ATSDR, 2004).

    On ne sait pas avec certitude si les PBB peuvent être cancérogène chez l’Homme, mais chez les souris, des concentrations très élevées de PBB ont des effets cancérigènes. En se basant sur ces observations chez l’animal, le ministère de la Santé et des Services sociaux des États-Unis a déterminé que les PBB peut raisonnablement être classé comme cancérigène. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC/IARC) suggère également que les PBB peuvent être cancérigènes pour l’Homme.

  • Exposition de l'homme et évaluation du risque lié aux RFB

    Les expositions professionnelles se font principalement par absorption cutanée et par inhalation. Certaines personnes vivant près de sites industriels peuvent être exposés par voie respiratoire. Ce sont les personnes les plus exposées.

    La population générale, quant à elle, est principalement exposée aux RFB par ingestion d’aliments contaminés (Anses, 2012 ; EFSA, 2011). Elle est exposée à moindre dose via l’air ambiant, l’air intérieur, l’eau potable et les poussières domestiques.

    Les données suivantes ne concernent que l’exposition de la population générale via l’alimentation.

    PBDE

    En France, les contributeurs majoritaires de l’exposition aux PBDE sont les produits à base de lait (crèmes dessert…) pour plus de 14%, les poissons (>12%) et les produits laitiers ultra-frais (>11%). Les poissons et autres produits de la mer restent néanmoins les aliments les plus contaminés (Anses, 2012 ; EFSA, 2011).

    Pour l’évaluation du risque lié à ces composés, les données retrouvées étant nombreuses, se rapporter à la partie suivante.

    HBCDD

    En France, les contributeurs majoritaires de l’exposition au HBCDD sont  la charcuterie et la viande, suivis par les poissons (aliments les plus contaminés) pour

    En 2011, l’EFSA a évalué les risques liés à l’exposition alimentaire au HBCDD dans l’Union Européenne. Elle conclut que cette exposition ne suscite pas d’inquiétude pour la santé publique et qu’il est « peu probable qu’une exposition supplémentaire, en particulier des jeunes enfants, aux HBCD via les poussières domestiques pose un problème pour la santé ». L’agence européenne a toutefois considéré que les données scientifiques étaient inadéquates pour définir une VTR chez l’Homme.

    TBBPA

    Il n’existe aucune donnée française décrivant les concentrations retrouvées dans les aliments. L’EFSA (2011), s’appuyant sur des données européennes,  estime que les niveaux d’exposition de l’Homme à ce composé ne sont pas préoccupants pour la santé publique. En 2012, l’Anses a demandé à ce qu’une campagne d’analyses soit effectuée sur ce composé pour permettre une évaluation du risque lié à l’alimentation.

    Les dérivés du TBBPA n’ont pas pu être évalués par manque de données d’exposition et de toxicité de ces produits. L’organisme « Santé-Canada » (2013) a aussi évalué ce produit mais a considéré qu’il n’était pas relâché en quantités suffisantes dans l’environnement pour nuire à la santé de la population.

    PBB

    Les PBB sont les RFB les moins retrouvés dans l’alimentation. Les aliments les plus contaminés sont les poissons. Ces derniers contribuent le plus à l’exposition de l’Homme. L’EFSA (2011) comme l’Anses (2012) estiment que les niveaux d’exposition de l’Homme à ces composés ne présentent pas un problème de santé publique en Europe. Compte tenu de l’arrêt de leur utilisation et de leur production, il n’est donc pas prévu qu’ils fassent l’objet d’un plan de surveillance spécifique pour connaître les taux de contamination exacts.

    Aucune VTR (Valeur Toxicologique de Référence ) n’a été dérivée des données animales car cette démarche est considérée par l’EFSA comme non pertinente pour les PBB compte-tenu des données scientifiques actuelles.

    Attention, les évaluations du risque effectuées par l’EFSA (tous RFB) et Santé Canada (uniquement les PBDE) ne prennent pas en considération l’accumulation de ces produits dans le corps humain sur le long terme, phénomène encore mal connu, notamment pour l’exposition des nouveaux nés lors de l’allaitement (Santé Canada, 2013).

  • Focus sur l'évaluation du risque lié aux PBDE

    Pour les effets non cancérogènes des PBDE (penta-, octa- et deca-BDE), l’US-EPA propose des VTR voie orale situées entre 2 et 7 µg/kg/jour selon le composé étudié. Les effets critiques retenus sont une toxicité sur le foie ou sur le système nerveux suivant le composé.

    Le JECFA (WHO/FAO, 2006), considère que les niveaux d’expositions estimés de l’Homme (0,004 µg/kg/jour pour les adultes et 0,1 µg/kg/jour pour les enfants les plus exposés) ne représentent pas un risque significatif pour la santé publique. En 2011, l’EFSA arrive aux mêmes conclusions pour l’octa- et le déca-BDE, mais pas pour le penta-BDE. Pour ce dernier, il pourrait y avoir un problème pour la santé, surtout pour les jeunes enfants de 1 à 3 ans. Les PBDE étant pris en charge dans le cadre de la future étude sur l’alimentation totale infantile, le risque identifié par l’EFSA concernant le penta-BDE pourra être quantifié pour les enfants de moins de 3 ans, une fois les données disponibles.

    Santé Canada (2013) a évalué les risques liés aux PBDE et conclu qu’ils sont actuellement plus importants pour l’environnement que pour la santé humaine. Leurs mesures de gestion visent donc à réduire l’impact sur l’environnement, mais cette démarche aura pour bénéfice de diminuer aussi l’exposition de l’Homme à ces composés.

    Pour les effets cancérogènes du déca-BDE sur le foie, l’US-EPA propose une VTR voie orale de 0,5 (µg/kg/jour)-1 sur la base d’études animales. Cette valeur permet de considérer que le risque de développer un cancer est acceptable pour une concentration de 50 µg/L dans l’eau potable. Les autres PBDE n’ont pas été évalués par manque de données humaines et animales.

  • Réglementation des RFB

    La réglementation ne prévoit pas actuellement de limite de qualité pour les RFB dans l’eau potable ni dans les aliments.

    Dans l’attente de telles valeurs, l’Ineris (2012) propose une valeur limite de HBCDD dans l’eau potable de 2 µg/L à partir d’une VTR construite sur des données animales.

    L’Union Européenne (UE) a adopté une législation visant à réduire ou arrêter la vente et l’utilisation de certains RFB, afin de protéger la santé et l’environnement. La directive 2003/11/CE, interdit la vente des penta-BDE et octa-BDE, à des concentrations supérieures à 0,1% en masse. À partir de juillet 2006, conformément à la directive 2002/95/CE, tous les nouveaux équipements électriques et électroniques ne pouvaient plus contenir de PBB et de PBDE quelle que soit leur concentration (même le déca-BDE initialement exempté mais interdit par la cours européenne de justice en 2008).

    L’HBCDD est soumis à autorisation dans le cadre du règlement (CE) n°143/2011 de la Commission européenne, du fait de son caractère persistent, bioaccumulable et toxique (PBT)

    Pour les professionnels, aucune valeur limite d’exposition n’a été déterminée à ce jour. Toutefois, en France, des « concentrations moyennes sans effet spécifique » ont été définies pour le déca-BDE dans les poussières : 10 mg/m3 pour les poussières totales (4mg/m3 en Allemagne) (INRS, 2004).

Auteur : Département Prévention Cancer Environnement, Centre Léon Bérard

Sources rédactionnelles : ANSES, EFSA, INERIS, ATSDR

Relecture : Dominique Guenot, Directeure de recherche CNRS, EA 3430, Faculté de médecine Strasbourg.

Mise à jour le 29 août. 2022

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