Jeûne thérapeutique et cancer

Jeûne thérapeutique et régimes restrictifs

Le saviez-vous ?

Le jeûne thérapeutique est défini par la restriction volontaire et encadrée des apports caloriques, parfois en recherchant un effet médical.

Le jeûne n’est pas un traitement médical, il ne peut en aucun cas remplacer un traitement anticancéreux conventionnel.

Le risque de perte de poids, de fonte musculaire ou de carences est important, en particulier chez les personnes déjà affaiblies par la maladie.

Les institutions de santé françaises ne recommandent pas le jeûne thérapeutique dans la prise en charge du cancer

En contexte de cancer, toute restriction alimentaire doit être encadrée par un professionnel de santé, notamment un diététicien-nutritionniste.

L’éducation des patients et des soignants est cruciale pour distinguer les pratiques fondées sur des preuves scientifiques, des approches non validées.

Présentation

La pratique du jeûne thérapeutique, ou de régimes restrictifs suscite un intérêt croissant, notamment en cancérologie. Certains médias les présentent comme des approches prometteuses pour améliorer le bien-être, limiter le développement de la maladie ou renforcer l’efficacité des traitements. Cependant, cela reste un sujet de recherche encore en cours, sans preuve clinique solide à ce jour (Kalecinski, 2022; Seintinelles, 2022).

À ce jour, les données scientifiques disponibles – issues de la recherche expérimentale (sur des modèles animaux ou cellulaires) et de quelques essais cliniques – montrent des résultats encore insuffisants et parfois contradictoires chez l’être humain et ne permettent pas de tirer des conclusions définitives chez l’humain.

En France, le jeûne est actuellement déconseillé pendant les traitements anticancéreux comme la chimiothérapie, en raison du manque de preuves scientifiques suffisantes quant à ses bénéfices et surtout des risques de dénutrition qu’il peut entraîner. Une information rigoureuse et un encadrement médical sont donc essentiels avant d’envisager toute pratique de jeûne dans un contexte de cancer (Féliu, 2017 ; Kalecinski, 2022).

  • Définitions et typologies du jeûne et des régimes restrictifs

    Il existe plusieurs formes de jeûne et de régimes restrictifs, qui diffèrent par leur durée, leur fréquence et le type d’aliments supprimés.

    Définitions

    De manière générale, le jeûne peut être défini comme une restriction volontaire de l’alimentation, sur une période donnée (Féliu, 2017).

    Dans le cadre thérapeutique, il s’agit de limiter, de manière encadrée, les apports en calories (notamment en sucres, lipides ou protéines), parfois en lien avec un traitement médical.

    Le jeûne exclusif

    « Abstinence complète de nourriture ou de liquide à l’exception de l’eau. Il est opposé au concept de diète, qui permet des apports plus ou moins grands de liquides ou de nourriture solides » (Féliu, 2017). Ce type de jeûne inclut :

    • le « jeûne sec » : abstention alimentaire sans eau
    • le « jeûne hydrique » : abstention alimentaire totale à l’exception de l’eau (infusion, citron).

    Le jeûne intermittent

    Repose sur une alternance entre périodes de jeûne (de quelques heures à un jour) et périodes d’alimentation normale.

    Jeûne et réduction calorique

    Réduction volontaire de l’apport énergétique quotidien d’au moins 20% en moins par rapport aux besoins habituels (durée de quelques jours à quelques semaines).

    Restriction glucidique ou régime cétogène

    Caractérisés par un apport élevé en lipides et très faible en glucides. Ils consistent en une réduction des apports glucidiques sans augmentation proportionnelle des apports protéiques. L’apport calorique total est normal mais avec environ 75% de l’apport énergétique sous forme de lipides (durée de 7 à 10 jours) (Féliu, 2017 ; Icard, 2020).

    Durée et rythme

    Les jeûnes peuvent varier de 16 heures (suppression d’un repas) à plusieurs semaines. Les jeûnes de moins de 3 jours sont considérés comme courts et sont souvent pratiqués via le « jeûne intermittent » (hebdomadaire, mensuel, annuel) (Féliu, 2017).

     

    Il est important de rappeler que ces pratiques n’ont démontré aucun bénéfice pour la santé et doivent impérativement être encadrées médicalement, surtout dans un contexte de maladie. Une mauvaise gestion du jeûne peut exposer à des risques nutritionnels, notamment de dénutrition, en particulier chez les personnes fragiles ou atteintes de cancer.

  • Répercussion de la pratique du jeûne sur la balance énergétique

    La balance énergétique d’un individu correspond à la différence entre ses dépenses et ses apports énergétiques.

    Si les dépenses et les apports sont équivalents, la balance énergétique est dite équilibrée, le poids reste donc stable.

    Si les apports sont supérieurs aux dépenses, la balance énergétique est positive ce qui peut entrainer une prise de poids sous deux formes possibles : une accumulation de masse graisseuse, ou une augmentation de masse musculaire en cas d’activité physique plus intense chez le sujet jeune ou chez l’enfant en croissance.

    Pendant le jeûne, les apports énergétiques étant réduits, la balance énergétique devient négative ; l’organisme va puiser sur l’énergie indispensable dans les réserves mobilisables de protéines (muscles) puis plus tardivement de lipides. Il peut donc entraîner une perte de poids et une fonte musculaire avec les conséquences qui peuvent en découler sur la tolérance des traitements, la gestion de la fatigue…

  • Mécanismes d’action et effets physiologiques

    Le jeûne et les régimes restrictifs entraînent plusieurs adaptations dans l’organisme, qui peuvent avoir un impact sur la santé, y compris en contexte de cancer. Voici les principaux mécanismes étudiés :

    Autophagie ou recyclage cellulaire

    L’un des premiers effets observés est la stimulation de l’autophagie, un processus naturel essentiel de nettoyage cellulaire. Ce mécanisme existe en permanence dans l’organisme. En l’absence de nourriture pendant plus de 12 heures, les cellules lancent une opération de recyclage qui élimine les éléments endommagés qui s’accumulent avec le vieillissement. Ce phénomène fournit de l’énergie contribue à réduire l’inflammation et à lutter contre certaines altérations liées au vieillissement ou aux maladies chroniques. Le jeûne est l’un des moyens identifiés pour activer ce mécanisme (Féliu, 2017 ; Bonnaud, 2019).

    Switch métabolique et production de cétones

    Après environ 4 jours de jeûne, le corps entre en cétose, ce qui veut dire que les réserves de sucre (= glucose) sont épuisées et que le corps commence à puiser dans les graisses. Le foie transforme ces graisses en un nouveau carburant, les corps cétoniques qui alimentent le cerveau et fournissent de l’énergie aux muscles. Les cétones pourraient activer les gènes qui protègent contre le stress oxydatif, un facteur impliqué dans le vieillissement. Les effets bénéfiques d’un régime cétogène sont à nuancer par des limitations et des précautions. Peu de preuves solides émanent de recherches chez l’humain. Le régime cétogène comporte également des risques et des effets secondaires (Féliu, 2017 ; Seintinelles, 2022) :

    • Dénutrition
    • Perte de poids
    • Perte de masse musculaire
    • Troubles digestifs (diarrhée ou constipation, flatulence)
    • Maux de tête

    De plus, la cétose prolongée peut entraîner une alerte métabolique maximale et, sans une reprise alimentaire adéquate, un épuisement (Rouillié, 2019c).

    Préservation musculaire à court terme – modèles animaux

    Sur le plan musculaire et métabolique, certaines études chez l’animal montrent que même avec un apport calorique très réduit, la masse musculaire et les capacités de contraction peuvent être relativement préservées à court terme, notamment grâce à une meilleure utilisation des graisses par les cellules (Naëgel, 2025). Ces effets ne sont pas retrouvés dans des études chez l’humain.

    Croissance tumorale – modèles animaux

    Enfin, dans une étude sur un petit échantillon de souris, le jeûne a montré un effet potentiel sur la croissance tumorale. On observe notamment une réduction des cellules souches cancéreuses et du volume tumoral. Ces effets semblent liés à la privation en glucose, car l’ajout de sucre annule les bénéfices observés. Ces résultats restent cependant à confirmer chez l’humain (Salvadori, 2021).

    En parallèle, des effets sur la génération d’un stress oxydatif dans les cellules souches des follicules pileux a été observée, pouvant ainsi les endommager. Cela ralentit la pousse des cheveux d’environ 18 %. Ce phénomène a été observé lors d’une étude sur des humains, et aussi chez des souris (Chen, 2025).

    Ces mécanismes sont encore théoriques et principalement observés chez l’animal. Leur transposition à l’humain reste incertaine.

  • Effets du jeûne thérapeutique en cancérologie

    Le jeûne et certains régimes restrictifs font aujourd’hui l’objet de nombreuses recherches en cancérologie. L’objectif est d’évaluer leur capacité à améliorer l’efficacité des traitements classiques (chimiothérapie, radiothérapie) tout en réduisant leurs effets secondaires.

    Traitements et effets secondaires

    Des études expérimentales menées chez l’animal ont montré que le jeûne à court terme ou la restriction calorique :

    • pouvaient augmenter la sensibilité des cellules cancéreuses aux traitements,
    • tout en protégeant les cellules saines des effets toxiques.

    Par exemple, des souris ayant jeûné avant une chimiothérapie à haute dose présentaient moins de dommages collatéraux que celles nourries normalement (ARTE, 2025). Des expériences précliniques soutiennent également l’hypothèse que le jeûne à court terme et la restriction calorique améliorent l’efficacité de la radiothérapie (Icard, 2020). Toutefois, bien que certaines études expérimentales sur animaux suggèrent une potentialisation de l’effet de la chimiothérapie par le jeûne ou les régimes restrictifs, d’autres montrent une absence d’effet, voire une réduction de l’efficacité de la chimiothérapie (Féliu, 2017).

    Réduction de la toxicité

    Du côté des études cliniques chez l’humain, les résultats sont encore limités mais encourageants.

    • Certaines études ont observé une réduction de la fatigue, de la faiblesse ou des nausées lorsque des patients suivaient un jeûne intermittent autour de leurs cycles de chimiothérapie, notamment dans les cancers du sein ou de l’ovaire (Féliu, 2017).
    • D’autres travaux rapportent une baisse de la toxicité des traitements, avec moins d’effets secondaires graves (toxicité de grade III/IV).

    Evolution de la maladie

    Bien que les résultats soient variables, certaines études chez l’animal et chez l’humain ont montré une stabilisation de la maladie, voire une rémission partielle chez certains patients, en particulier avec le régime cétogène. Ces approches cherchent à imiter les effets du jeûne prolongé sans suppression totale de l’alimentation, tout en agissant sur le métabolisme des cellules cancéreuses (Féliu, 2017 ; Salvadori, 2021).

    Essais cliniques récents

    Le Réseau Nacre a publié une revue systématique des interactions du jeûne et des traitements du cancer avec des tableaux récapitulatifs (Réseau Nacre, 2017).

    En 2018, une étude pilote menée à Berlin (Bauersfeld, 2018) a évalué l’impact du jeûne sur la qualité de vie de patientes atteintes de cancer du sein ou de l’ovaire pendant la chimiothérapie.

    • Résultat : amélioration significative du bien-être et réduction de la fatigue dans le groupe ayant jeûné.
    • Limites : petite taille de l’échantillon (34 patientes), biais méthodologiques, absence de données sur l’efficacité du traitement.

    Une revue systématique (Martin-McGill, 2018) sur les régimes cétogènes chez les patients atteints de gliomes n’a pas montré d’effet thérapeutique concluant. Elle souligne le besoin d’essais comparatifs randomisés et d’évaluations économiques.

    En 2018, une équipe a mis en avant les risques de jeûner pour des patients atteints de cancer : la malnutrition et la sarcopénie (fonte musculaire). Les auteurs soulignent également la désinformation autour d’aliments « anti-cancer » ou de compléments alimentaires pour « soigner le cancer ». Ils rappellent que des effets protecteurs n’ont été observés que dans des études animales et sur culture de cellules en laboratoire et ne sont pas transposables à l’humain en absence d’études humaines (Caccialanza, 2018).

    Ces résultats sont préliminaires, souvent issus de petits échantillons, et ne permettent pas à ce jour de recommander ces pratiques dans la prise en charge standard du cancer.

    En France, le jeûne est actuellement contre-indiqué pendant les traitements comme la chimiothérapie, en raison :

    • du risque de dénutrition et de sarcopénie
    • du manque de preuves robustes (Kalecinski, 2022).

    Enfin, les rares essais encadrant ces pratiques soulignent l’importance :

    • d’un accompagnement médical strict et rigoureux,
    • d’un suivi nutritionnel personnalisé adapté
    • des conditions bien définies (fréquence, durée, encadrement).

    Toute expérimentation hors protocole présente un risque réel pour la santé et doit faire l’objet d’une discussion avec l’équipe soignante.

    Les effets potentiels du jeûne à long terme, et sa compatibilité avec d’autres traitements, restent des champs de recherche active.

  • Recommandations actuelles et perspectives

    Les données scientifiques actuelles, issues de la recherche expérimentale et clinique sont hétérogènes et ne permettent pas de tirer des conclusions définitives chez l’humain, c’est pourquoi la prudence est de mise quant aux effets du jeûne thérapeutique sur la santé (Féliu, 2017; Kalecinski, 2022). Le niveau de preuve scientifique extrêmement faible ne permet pas révéler de potentiels effets préventifs ou thérapeutiques du jeûne sur le cancer. Ces preuves reposent principalement sur des études de modèles cellulaires ou animales qui ne sont pas directement extrapolables à l’humain.

    Le jeûne n’est pas recommandé par le WCRF (World Cancer Research Fund International) ou l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé).

    En France, le jeûne est actuellement contre indiqué pendant la chimiothérapie en raison de l’absence de preuves scientifiques suffisantes et du risque de dénutrition (Kalecinski, 2022). L’Institut National du Cancer (INCa) et le Réseau Nutrition Activité Physique Cancer Recherche (NACRe) ne recommandent pas cette pratique puisqu’il n’y a pas assez de preuves (en particulier des études sur l’humain) qui montrent un effet bénéfique. Une évaluation et un suivi nutritionnel régulier sont indispensables pour les patients atteints de cancer qui souhaitent s’engager dans ces démarches.

    Par ailleurs, l’INCa met en garde contre les risques de dénutrition et de sarcopénie associés à cette pratique.

    Rôles des professionnels de santé

    Le rôle des professionnels de santé (médecin nutritionniste, diététicienne…) est essentiel pour répondre aux attentes des patients et permettre un dialogue, en les informant de l’état actuel des connaissances et en les sensibilisant aux risques (dénutrition…). L’éducation des patients mais également des professionnels de santé est cruciale pour distinguer les pratiques fondées sur des preuves scientifiques des approches non validées, et limiter les dérives qui peuvent exister.

    De nombreuses questions restent à explorer :

    • Existe-t-il une durée optimale d’un jeûne ?
    • À quelle fréquence peut-il être pratiqué ?
    • Est-il sans danger pour tous, notamment les personnes à risque ?
    • Quels sont les effets sur les enfants exposés à ces pratiques dans leur environnement familial ?
    • Quels sont les effets à long terme du jeûne intermittent ?

    Conclusion

    Le jeûne et les régimes restrictifs représentent un domaine de recherche dynamique et potentiellement prometteur mais aucun bénéfice clinique n’est démontré à ce jour chez l’humain. Leur compréhension nécessite une approche rigoureuse, basée sur des preuves scientifiques, et une communication claire et bienveillante avec les patients. Il est donc essentiel que les patients souhaitant entreprendre ce type de démarche en discutent impérativement avec leur équipe médicale afin d’assurer une prise en charge sécurisée et adaptée (bilan et surveillance diététique et nutritionnelle par exemple).

    De nombreux essais cliniques sont en cours et des études contrôlées randomisées sont nécessaires pour évaluer rigoureusement les bénéfices supposés du jeûne et des régimes restrictifs en cancérologie.

Auteur : Département Prévention Cancer Environnement, Centre Léon Bérard

Sources rédactionnelles : Anses ; INCa ; WCRF ; OMS

Relecture : Céline Bourguignon, Louise Dumont, Alix Goerens ; diététiciennes au Centre Léon Bérard

Mise à jour le 02 sept. 2025

Mais aussi...

Une question, un avis ?

Ce formulaire vous permet de contacter le Département Prévention Cancer Environnement. Nous veillerons à vous répondre dans les meilleurs délais.

Contactez-nous !

Ce contenu vous a été utile ?